Ok le recrutement n’est pas une science exacte, mais si le titre a capté votre attention c’est que vous ne voulez plus vous dire en fin de période d’essai : ‘Bof je suis pas convaincu…’, voire un jour : ‘Nan mais je savais, c’est une erreur de casting…’ et contribuer aux 13% des recrutements qui se soldent par un échec à 18 mois [1]. Alors ok ce n’est pas de la physique, mais sincèrement en suivant ces règles qu’on applique assidûment, vous allez définitivement réduire les risques d’erreur de … disons, modestement, au moins 90% .

Alors, sans plus attendre…

1. Bannissez les tests de personnalité.

Si le marché gigantesque des tests est mis à l’épreuve ces temps-ci, notamment suite à un documentaire américain [2], lui-même nourrit par un ouvrage qui explose le mythe du MBTI [3],  en France la remise en question des tests reste encore discrète. Peu de chiffres, mais dans la RHosphère il se dit qu’un DRH sur deux les pratique. J’ai vu passer dernièrement un appel d’offre pour un volume important de recrutements dans un Office Public de l’Habitat, qui exigeait des tests.

Alors au cas où vous seriez tenté, je vous partage trois raisons de les bannir définitivement de vos process de recrutement.

1) Les tests véhiculent les biais de ceux qui les conçoivent. (Et vont notamment privilégier la personne sociable, qui a le goût du risque et sait travailler en équipe.)

2) Les candidats perçoivent assez bien les préférences attendues par les recruteurs et adaptent leurs réponses.

3) La valeur prédictive de réussite dans un poste est proche de nulle pour les tests psychologiques.

Donc voilà, grâce ma première règle de platine vous allez faire des économies. On continue ?

 

 2. Recevez tous les candidates le même jour.

Ou au moins dans un temps court. Faire traîner le processus expose à trois risques. D’abord, le risque du biais de récence, qui consiste à accorder inconsciemment un apriori plus positif aux candidats rencontrés en dernier. Ensuite, vous risquez de perdre les meilleurs candidats en cours de route. Enfin, sans surprise, les candidats préfèrent les recrutements rapides. Un recrutement qui traîne de ‘on vous rappellera’ en ‘on va peut-être organiser un troisième entretien’, puis ‘on prendra une décision après les vacances’, ne donne pas l’image d’une entreprise dynamique et organisée. Bref, un recrutement long vous rend moins désirable.

Recevoir tous les candidats le même jour demande un peu d’organisation, mais lorsque vous aurez lu la règle 4, vous y verrez l’intérêt. Pour augmenter les chances de disponibilité des candidats, annoncez la date de rencontre des candidats en shortlist dans l’annonce. Si une seule journée n’est pas possible, prévoyez une fenêtre de trois jours consécutifs.

 

3. Évaluez les compétences !

Là on rentre au cœur de nos secrets de fabrication. Si vous avez lu jusqu’ici, promis vous allez en avoir pour votre argent temps. Sélectionner un candidat ne requiert pas de tests tordus, pas de nœuds au cerveau sur les éventuels ‘trous’ dans le CV, pas de ‘elle a 28 ans, elle est-ce qu’elle va me coller un congé mat ?’ Recruter la personne personnes nécessite juste d’évaluer ce que vos candidats savent faire.

Listez les compétences ‘cœur de métier’ et concevez une petite évaluation pratique pour les plus critiques, c’est-à-dire celles qui seraient trop longues à acquérir sur le poste. Pour les compétences type ‘connaissances’, c’est-à-dire tout ce qu’on a en tête (les langues, les maths, la connaissance du code des marchés publics…), un quizz est pratique. Pour vérifier un niveau plus élevé, privilégiez une étude de cas.

Pour les compétences type ‘savoir-faire, des mises en situation s’imposent. On peut demander aux candidats de diagnostiquer une panne d’engin agricole, de défendre une proposition commerciale, de réaliser un tableau Excel, de rectifier trois erreurs dans un plan par rapport aux cotes, d’aménager un show-room, d’établir un plan d’action pour résoudre un problème en production…

Quatre conseils pour préparer ces évaluations. Déjà, elles doivent être simples et correspondre au niveau attendu le jour de la prise de poste. La plupart des compétences peuvent se vérifier sur une séquence de 30 minutes. Ensuite, les exercices doivent être super faciles à exploiter. Par exemple, pour un quizz de 10 questions, vous pouvez décider que 7 réponses justes valident la compétence. Ou qu’une orthographe acceptable équivaut à deux fautes maxi dans un écrit.

Sachez que les mises en situation de type ‘jeu de rôle’ sont plus délicates à préparer. Rédigez le scénario, apprenez-le et jouez toujours le même rôle. Par exemple, si vous jouez un client mécontent, sachez exactement ce qui s’est passé avant la rencontre. Enfin, vérifiez que les mises en situation ne nécessitent aucune connaissance préalable de vos produits. Par exemple, si vous voulez tester la capacité du candidat à convaincre un prospect de tester votre nouveau cocktail, donnez-lui une fiche avec la photo et les principales caractéristiques du produit. Evaluez sa force de conviction, son écoute et sa ténacité, mais pas la connaissance de la composition du cocktail.

A la fin de cette séquence de mises en situation, reportez les scores de chaque candidat dans un même tableau. Éliminez les candidats aux scores les plus bas, puis échangez avec vos confrères sur les autres critères : motivation, secteur géographique, demandes salariales, le sentiment de ‘fit’ avec le reste de l’équipe.

 

4. Recrutez à plusieurs.

Quoi, vous avez dit ‘confrères’ ?  Oui : pour réduire les risques d’erreur, conduisez le recrutement à plusieurs. Chaque évaluateur sera chargé de certaines compétences. Recevez les candidats un par un, car la posture ‘seul contre tous’ est inconfortable pour le candidat. Or une personne mal à l’aise sera moins spontanée et proche de son comportement ‘naturel’.

L’évaluation à plusieurs nécessite une excellente préparation, puisque vous allez vous répartir les évaluations et les questions. Mais quand on intègre le coût d’un ‘mauvais’ recrutement [4],  ce sera peut-être votre meilleur investissement cette année !

[1] Source : Blog ‘Les Experts RH’ par Gereso (formations en Ressources Humaines), 23/04/2018 13% est un chiffre souvent cité, qui me paraît bas, mais je n’en retrouve pas la source originale.

[2] ‘Persona : the Dark truth behind personality tests’ (2021)

[3] Merve Emre “The personality brokers : The strange history of Myers-Briggs and the birth of personality testing.” Voir mon article ‘MBTI : le paradoxe tenace’.

[4] Source : Blog ‘Les Experts RH’ par Gereso  23/04/2018

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